« Je la regardais passer tous les
matins, ma petite Pêcheuse d’Étoiles. Elle passait avant chaque aube, alors que
le Soleil était sur le point de se lever. Elle marchait, rêveuse, avec son
petit panier en osier, tendant la main pour les cueillir dans le ciel, une à
une, avant qu'elles ne soient englouties par la lumière du jour. Elle les
mettait ensuite dans sa mignonne besace, les recouvrant délicatement pour
éviter qu'elles ne s'échappent, et gravissait la rue pavée, vers le haut de la
colline et la Lune, là où elle pouvait plus facilement les collecter.
Elle les attrapait toutes : les
étoiles blanches, petites et dorées, les astres rougeoyants, lents et
somnolents, les étoiles filantes – ces lucioles taquines et fuyantes, mais
aussi les nébuleuses tournoyantes, les traînées de poudre sinueuses, veloutées
et vaporeuses... même les gigantesques noires, qui tentaient de se cacher.
Elle utilisait parfois son épuisette
pour pêcher les plus réticentes, ou celles qu'elle ne pouvait atteindre qu'en
se mettant sur la pointe des pieds. Mais elle réussissait toujours à toutes les
emmener, avant que la matinée ne pointe le bout de son nez, avant que les
badauds ne se lèvent, que la ville ne s'anime ou que les lampadaires ne cessent
de grésiller sur leurs tiges.
Ce matin-là, je la contemplai de
derrière la fenêtre, encore fatigué d'avoir veillé si tard. Je souriais en la
regardant. Elle discuta longuement avec une étoile qui se prenait pour une
fleur, persuada une autre de sortir timidement de sa couverture lactée et
ondoyante, pourchassa en riant un feu follet avant de le saisir au vol et de
s'éloigner. Je soupirai.
Mais ce n'est que bien plus tard que
j'aperçus la petite étincelle qui grelottait sur le pas de ma porte. Intrigué
et alarmé, je descendis ouvrir, pour trouver une petite étoile assoupie. Je me
tournai vers le haut de la colline, décidé à lui ramener cette petite comète
oubliée, mais ma pêcheuse d'étoiles n'était nulle part visible, et le Soleil
trompetait déjà à la lisière de l'horizon.
Vite, la cacher, dans un manteau
d'ombre, une lampée d'obscurité. La faire vivre, cette petite fée abandonnée.
Dans un placard, un bocal, une boîte à chaussures, peut-être ? Je me
décidai pour une lampe à huile, et la regardai virevolter comme une flamme,
pirouetter, vibrer... danser, tout simplement. Je m'assoupis.
Le soir arriva, et je me réveillai
précipitamment. La nuit tombait presque, et déjà, les premiers enfants se
blottissaient sous leurs couvertures. Je me levai d'un bond, enfilai mon
manteau pour sortir, avant de prendre doucement l'étoile entre mes deux paumes.
J'ouvrai la porte, m'attendant à trouver le petit panier de la Pêcheuse
d’Étoiles posé au pied de ma porte, comme d'habitude...
Je fus surpris de la trouver là, un
petit sourire malicieux sur les lèvres. Elle m'avoua qu'elle avait laissé cette
étoile pour me tenir compagnie pendant la journée, le temps que la nuit
n'arrive enfin. Qu'elle savait que je la regardais tous les matins, à l'aube,
passer dans les rues endormies. Puis elle me tendit son panier, en me déposant
un doux baiser sur les lèvres, car je devais me presser...
Il était temps de les saupoudrer de
nouveau sur le monde, ces étoiles enlevées... Et je savais que cette fois, elle
attendrait que je revienne, moi, le Marchand de Sable, pour que nous puissions
regarder ensemble, au milieu de la nuit, le feu d'artifices des astres dans le
ciel... »
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